
Mathieu Rouault, directeur de cabinet de La Rochelle Université, revient pour nous sur les enjeux de la stratégie de spécialisation et la façon dont le dircab peut accompagner l’université.
De plus en plus d’universités adoptent une stratégie de spécialisation. Quelle en est votre perception en tant que directeur de cabinet ?
Pour les établissements de la taille du nôtre, cette stratégie est indispensable pour continuer à exister comme université de plein exercice. Le paysage actuel est très favorable aux universités Idex et Isite, la “Champion’s league” de l’ESR. Pour les établissements de taille plus modeste qui veulent être reconnus, le choix d’une spécialisation, d’un champ d’expertise est une bonne stratégie. Ce choix implique des transformations au sein de l’université.
Quels sont les freins à l’adoption de ces stratégies ?
Se spécialiser implique parfois de sortir de l’organisation “classique” des universités si on veut faciliter la collaboration et la transversalité. Il faut faire des choix de mise en visibilité et c’est souvent un frein car certaines équipes peuvent, au premier abord, se sentir moins concernées par ces axes stratégiques du fait de leur champ d’expertise. Il peut aussi y avoir des freins financiers : la mise en place d’une nouvelle stratégie demande des investissements. Par exemple, le diagnostic préalable au projet, ou la traduction opérationnelle de la signature qui en découle.
Quels leviers le directeur de cabinet peut-il activer pour faire accepter ces stratégies ?
Il est vain de penser qu’on saura anticiper toutes les oppositions et y faire face. Il faut avoir en tête qu’on ne pourra pas convaincre tout le monde, mais en revanche, il faut se fixer l’ambition d’expliquer sans relâche et à tous les niveaux, de faire preuve de pédagogie et multiplier les temps d’échanges avec la communauté interne, les partenaires extérieurs, etc. C’est très chronophage mais ça porte ses fruits.
C’est Jean-Marc Ogier, votre ancien président qui avait initié et incarné le projet. Quels conseils pourriez-vous donner à vos homologues lorsque l’incarnation présidentielle est moins forte ?
Notre ancien président a été l’ambassadeur de la stratégie de spécialisation. Toutefois, une stratégie s’incarne aussi par des hommes et des femmes, des outils, des réussites, des choix cohérents. C’est le rôle du dircab de faire comprendre à l’équipe dirigeante que chacun doit pouvoir porter le projet. Cela passe par de la préparation, de l’écriture d’éléments de langage. Cela passe aussi par des outils. C’est presque une stratégie de “marque” qu’il faut construire et c’est ce que nous tentons de faire à La Rochelle. Nous avons créé une “marque ombrelle” pour un ensemble d’expertises et de connaissances, et cela nous est utile tous les jours pour gagner en reconnaissance et en visibilité.
Est-ce qu’embarquer les collectivités autour de la stratégie de spécialisation est une condition de réussite indispensable ?
C’est en tout cas une condition qui me semble nécessaire car elle contribue à faire accepter la stratégie en interne comme en externe. Une stratégie de spécialisation peut avoir plus de force si elle est cohérente avec les caractéristiques de son territoire d’accueil. Au moment de la définition de son schéma d’enseignement supérieur et recherche, l’agglomération de La Rochelle avait déjà le projet de lier l’ESR à sa stratégie de protection des littoraux. Et l’université doit s’appuyer sur les élus pour porter ses projets.
Vous avez organisé et accueilli le séminaire d’été 2024 de l’association Dircab ESR, que retenez-vous de ce moment ?
J’ai pris beaucoup de plaisir à organiser cet événement, et c’est toujours intéressant pour une université d’accueillir un séminaire. C’est l’occasion de montrer ce que l’on fait, de faire découvrir notre territoire. Ces moments d’échange permettent aussi de partager des retours d’expérience, de creuser des sujets plus profonds et pour les directeurs de cabinet qui, comme moi, sont récents dans l’ESR c’est l’opportunité de développer un réseau précieux.